vendredi 24 février 2012

Robert des noms propres d'Amélie Nothomb




Robert des noms propres 
Amélie Nothomb


Le Livre de Poche
190 pages

5,60 €











Résumé

« Pour un écrivain, il n’est pas de plus grande tentation que d’écrire la biographie de son assassin. Robert des noms propres : un titre de dictionnaire pour évoquer tous les noms qu’aura dits ma meurtrière avant de prononcer ma sentence. C’est la vie de celle qui me donne la mort. »

Mon Avis


Il y avait longtemps que je ne m’étais plus plongée dans l’univers d’Amélie Nothomb. Le challenge 12 mois = 12 livres a été une bonne occasion de m’y remettre.

Le thème de mois de février (comme vous pouvez le voir ici) était celui de l’Amour. Alors évidemment, on pense toutes et tous à une romance. Et c’est, dans un premier temps, ce que j’avais choisi puisque je comptais lire Un Jour de David Nicholls. Mais le temps me manquant, j’ai finalement décidé de lire Robert des Noms Propres d’Amélie Nothomb, pour la simple et bonne raison que l’auteur y parle de différentes formes d’amour.

La première est celle d’une mère adoptive, Clémence, qui éprouve un amour proche de l’adoration pour Plectrude (la fille de sa sœur).


"Clémence, qui avait follement aimé sa sœur défunte, reporta sur Plectrude cette passion. Elle ne l’aima pas plus que ses deux enfants : elle l’aima différemment. Nicole et Béatrice lui inspiraient une tendresse débordante ; Plectrude lui inspirait de la vénération".


Un amour terrible en ce sens qu’il est à double tranchant. Proche de l’adoration dans un premier temps, engendrant la fierté mais également l’attende et l’espérance envers l’objet de votre dévotion. Vous attendez de cet objet et espérez tellement de choses de sa part…


"[…] elle eût tellement voulu être ballerine et, grâce à Plectrude, elle assouvissait cette ambition par procuration. Peu lui importait de sacrifier la santé de son enfant à cet idéal."


Lorsque l’objet de votre adoration n’arrive pas à atteindre les objectifs que vous aviez fixés pour lui... L’amour devient destructeur et se transforme au point d’engendre le rejet…


" - Quarante-sept kilos pour un mètre cinquante-huit, tu trouves ça obèse ?- Regarde la vérité en face : tu es énorme.Plectrude, qui avait retrouvé le plein usage de ses jambes, alla se jeter sur son lit. Elle ne pleura pas : elle ressentit une crise de haine qui dura des heures. Elle tapait du poing sur son oreiller et, à l’intérieur de son crâne, une voix hurlait :
« Elle veut me tuer ! Ma mère veut ma mort » ".



Ensuite, c’est l’amour débordant d’une enfant, d’une adolescente pour une passion, la danse.


" On la sentait heureuse de danser - prodigieusement heureuse. On sentait sa jubilation à livrer son corps à la grande énergie de la danse. C'était comme si son âme n'avait attendu que cela depuis dix mille ans."


Une passion terrible dans le cas de Plectrude puisqu’elle va l’amener à se détruire – même si cette               « destruction » est plus complexe qu’elle n’y parait. La danse, le culte de la minceur, l’école des petits rats de l’opéra, la compétition, … en sont les causes mais pas seulement… – .


"Plectrude avait toujours été la plus mince de tous les groupements humains dans lesquels elle s'était aventurée. Ici, elle faisait partie des "normales".Celles qu'on qualifiait de minces eussent été appelées squelettiques en dehors du pensionnat. Quant à celles qui, dans le monde extérieur, eussent été trouvées de proportions ordinaires, elles étaient en ces murs traitées de "grosses vaches"."




Je dois vous avouer que j’ai ressenti l’autodestruction de Plecture comme s’il s’agissait d’un appel au secours. Ce qui m’intrigue dans ce « culte de la minceur » tel que le conçoit Plectrude, c’est son choix d’arrêter de manger des produits laitiers alors que les autres ballerines se ruent dessus. Elle sait qu’elle ne peut pas les arrêter, elle sait mais elle le fait quand même. Pourquoi ? Pour qui ? sont des questions que soulève cette histoire… Je laisse à la plume d’Amélie Nothomb d’y répondre !

Enfin, c’est l’histoire d’amour d’une enfant pour l’un de ses amis de classe, un amour qui mettra des années à se révéler et à s’épanouir. Mais qui, je l’avoue, m’a fait plus d’une fois sourire.
Je cite pour vous expliquer :


« Elle le reconnut aussitôt.Ils eurent le prélude amoureux le plus court de l’Histoire.
- Tu as quelqu’un ? demanda Mathieu sans perdre une seconde.
- Célibataire, avec un bébé, répondit-elle aussi sec.
- Parfait. Tu me veux ?
- Oui.
Il empoigna les hanches de Plectrude et les retourna à cent quatre-vingt degrés, pour qu’elle n’eût plus les pieds dans le vide. Ils se roulèrent un patin afin de sceller ce qui avait été dit.

[…]


- Je vais te monter où j’habite, dit-il en l’emmenant.
-Que tu es rapide !
- J’ai perdu sept ans. Ça m’a suffi.
Si Mathieu Saladin avait pu se doute du nombre d’engueulades que cet aveu allait lui valoir, il l’eût bouclé. »



Ce roman remplissait donc les conditions du thème Amour. Parlons un peu plus du roman en lui-même…

J’ai découvert Amélie Nothomb il y a quelques années, grâce à ma cousine – à qui je dois une fière chandelle puisque je suis devenue une véritable fan de cette auteure – . Je dois remercier Amélie pour avoir toujours su m’apporter une véritable nuée d’air frais dans mon sillage littéraire. Une nuée d’air frais mais aussi une bouffée d’air « extraterrestre ». Vous avez eu l’occasion de voir, plus d’une fois, que je lisais de nombreux styles et que j’aimais varier les plaisirs mais Amélie Nothomb est vraiment l’extraterrestre de mon horizon littéraire. Elle est, et restera, je pense, une auteure de style indéfinissable. Ses romans sont les petits hommes verts de ma bibliothèque. Les histoires sont rocambolesques, les personnages décapants, originaux au-delà de toute imagination. Quant aux prénoms, je ne vous dis que ça… Pannonique, Prétextat Tach, Texor Texel, … et dans ce ci, Plectrude. Ils ont beau être étrange voire même aberrants, ils collent parfaitement aux personnages et à l’univers qu’Amélie Nothomb crée pour eux.

Son style est fluide, rapide et nette (la plupart du temps). Les pages se tournent et les livres se referment en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Ses romans sont, le plus souvent, relativement courts. Et j’apprécie le fait qu’elle arrive, malgré l’économie de mots et de pages, à créer quelque chose de consistant, peut-être pas toujours avec le même brio mais quand même…

En outre, Amélie est quelqu’un qui manie extrêmement bien des thèmes assez étranges tels que le dégoût, la laideur ou encore le meurtre (pas que ce sujet soit exceptionnel, mais il l’est dans la manière dont il est traité). Je vous jure qu’on aurait presque envie d’essayer parfois ! (Non non, je n’ai pas dit que j’essayerai, ni que je cautionnais ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Simplement elle décrit ces « choses » de manière incroyablement réaliste et précise). Par ailleurs, c’est quelqu’un qui n’hésite pas à se mettre dans la peau de ses personnages, elle est parfois la victime comme dans le cas de Robert des Noms Propres mais elle peut tout aussi bien être l’assassin, peut-être pas de manière directe mais on la sent au travers de ses personnages et on finit par identifier ces personnages qui sont, en réalité, l’auteure elle-même (ouch, la phrase quoi O.o).

Robert des Noms Propres fait partie des romans softs d’Amélie Nothomb, quoiqu’il peut toucher de manière extrêmement forte car, sous une apparence légère, les sujets traités restent durs et pénibles. Ce sont des faits précis et vécus que nous rapporte Amélie même si elle les planque sous l’apparence d’un « conte ».

Robert des Noms Propres est l’un de mes romans favoris ^o^ J’ai apprécié le style décalé, l’économie de mots et le rythme qui caractérise ce roman, les réflexions philosophiques ainsi que l’histoire et les personnages… Franchement, lancez-vous


" Sans doute chaque être a-t-il dans l'univers de l'écrit, une œuvre qui le transformera en lecteur, à supposer que le destin favorise leur rencontre."










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